mercredi 1 décembre 2010

Qu'est-ce qu'on est bien... en France?

J'ai le goût du jeu. Aussi ais-je été intéressé par le petit "concours littéraire" sans prétention qui nous est proposé par notre Fourme préférée (de Montbrison, pour moi). Mais n'étant pas un grand adepte de l'écriture sur mouchoir ou post-it, la contrainte de longueur rend mon texte peu adéquat, aussi bien au "concours" en lui-même, qu'à la publication en commentaire. Je me permet donc de le poster ici, en mettant un lien dans les commentaires du billet cité plus haut.

Le 20h relaye l'information, brute, assortie d'un rapide reportage sur les conditions de la prise de cette décision. Mais pas une intervention d'homme politique, ni même d'analyse journalistique de l'évènement. Pendant trois jours, la France reste interdite, silencieuse. Les nouvelles du monde parviennent assourdies, comme si une épaisse bulle isolait les individus. Dans les cafés et les bars, on marmonne comme à l'accoutumée, en alternant les discussions sur la corruption, le temps qui change, et les chinois qui vont nous bouffer. La décision était attendue, on la sentait venir, mais la brutalité de l'entendre effectivement prise a mis même ceux qui s'en réjouissaient dans un silence plein de questions. Puis petit à petit, on s'est remis à parler. Il était évident qu'on ne pouvait pas faire comme si de rien n'était: le problème, de fond, était toujours là. Les plus téméraires parlaient de mise en échec de la Bête Immonde, ou au contraire de retour du totalitarisme, mais la grande majorité de la classe politique et des médias observaient une réserve gênée.

Au milieu des bafouillis, a commencé à émerger l'idée qu'il était temps de changer de constitution, radicalement. On s'est mis à parler de VIe République, d'un air peu convaincu. Mais ce furent Attali, Cohn-Bendit et Giscard qui, en direct, à Ce soir (ou jamais), émirent la proposition qui s'avéra remporter le plus grand succès: il fallait profiter de ce trou politique français pour commencer à construire un véritable état européen. L'accueil en Europe fut mitigé, notamment car l'urgence de la situation française impliquait des changements radicaux et très rapides, trop aux goûts de nombreux dirigeants. Mais suffisamment de personnes prirent part au congrès ad hoc, même de Grande Bretagne, pour qu'au bout de quelques mois, le plan d'action ait été décidé.

Mais la nation de Jeanne d'Arc avait encore sont mot à dire. Très vite après l'annonce de l'annulation des élections, et malgré sa langueur caractéristique, Renaud Camus quitta ses salons feutrés et la blancheur de ses livres. Les évènements historiques réveillaient un homme nouveau: il rasa sa barbe grisonnante, revendit tous ses biens, et s'acheta une Harley, ainsi que de nombreux cars et fourgonnettes. Son but était clair: il devait secouer la France. Il montait une croisade. Il s'était reconnu dans l'étrange et mystérieuse figure de Pierre l'Hermitte. Dans ses cars, il transportait ses Croisés, dont le nombre croissait à mesure qu'il avançait dans son tour de France. La police avait bien tenté de l'arrêter, mais ils étaient trop nombreux, et faisaient bloc. La crainte d'une émeute blanche, qui mettrait le feu à toute la poudrière française si toute mesure plus radicale était prise, avait convaincu les pouvoirs publics de faire ce qu'ils savent le mieux depuis 2005: l'autruche. En 40 jours, ils étaient déjà 150.000 à arpenter les routes comme une longue chenille, avec à leur tête Renaud Camus, qui se faisait appeler Renaud le Glaive, en référence à la célèbre phrase du Christ dans l'Évangile de Matthieu, sur son destrier de métal et de feu.

Ce retour du sacré, qui faisait de plus en plus d'adeptes parmi les descendants de chrétiens qui voyaient la crise démonter tout ce pour quoi leurs aïeux avaient abandonné la religion, ne pouvait laisser indifférent. Tariq Ramadan fut de plus en plus souvent invité des médias, qui voyaient d'un mauvais oeil la montée sur Paris de celui qu'on prenait jadis pour un insignifiant écrivain illuminé. La prose du maître de taqiya était limpide: cette crispation autour du christianisme historique et guerrier était la conséquence du discours sur le conflit de civilisation et l'identité nationale. Si l'on voulait mettre un terme à cette épopée d'un autre âge, il fallait faire une place plus grande aux musulmans, afin que leur présence partout dans la société dissolve ces restes archaïques. Il expliquait à mots à peine couverts les avantages qu'auraient pour les politiques une islamisation de la France organisée calmement par lui et ses élites musulmanes. Et il faisait planer la menace d'une même possibilité de repli religieux explosif des musulmans de France et d'Europe, et qui par contre pourrait conduire à l'ébranlement de tout le système en place. Ses arguments pertinents ne tombaient pas dans des oreilles sourdes. Sous-estimant ce qui a depuis été appelé la "résistance chrétienne", on donna carte blanche à Tariq Ramadan pour mettre de l'ordre parmi les musulmans, qui commençaient eux aussi à s'exciter, en leur promettant la France.

Du Vatican, Benoît XVI et ses conseillers ne savaient trop que penser. Ce retour au christianisme se faisant dans des formes qui leurs déplaisaient franchement, qui les ramenaient à l'époque d'une Église assez faible, sans unité. Mais d'un autre coté, ils ne pouvaient nier les progrès dangereux de l'Islam partout en Europe et en Afrique. Pourraient-ils récupérer et contrôler ce Renaud le Glaive? Quelle place leur laisserait un Islam conquérant? L'urgence de la situation exigeait une prise de position rapide. Après mures réflexions, mais surtout des heures et des heures de prière, le Pape, ayant tenu sa décision secrète, convoqua toute la presse d'Italie, et les agences internationales. C'est dans les applaudissement et les louanges immodérés des fidèles présents sur la place Saint-Pierre qu'il annonça, ex cathedra, sa bénédiction à Renaud le Glaive, et son soutien à la Reconquista. L'allocution, retransmise en direct tant les médias s'attendaient à la décision inverse, dans la plupart des pays de la chrétienté, souleva une vague de soulagement, de foi et d'espérance comme jamais dans l'histoire. C'était une liesse comparable à l'entrée de Jeanne d'Arc dans Orléans, mais à l'échelle européenne. Même les Protestants et une partie des Juifs hurlaient de joie. Ils survivront, nous survivrons: Déus lo veult! Cet appel résonnait à nouveau, inaugurant une nouvelle ère.

Alors que Renaud le Glaive et ses 750.000 Croisés inondaient les rues de la capitale, on eu droit à une scène étonnante: Thierry Ardisson, l'idiot cocaïnomane, courait torse nu devant la troupe métallique, criant, sans trop que l'on sache si c'était par conviction, overdose, ou pure sens du grand-guignol: "Vive le Roy, Vive la France!". La révolution chrétienne et patriotique s'étant en réalité répandue bien plus vite dans les coeurs que les Croisés sur les routes, toute la clique des Sarkozy, des Attali, des Bruni, des Cohn-Bendit, des Giscard, des Besancenot, des Fourest, des Ramadan, et autres nuisances, se sont heurtés à tous les obstacles, à tel point qu'ils n'ont pu fuir Paris. Au moment de l'entrée de Renaud, ils s'étaient tous terrés au Louvres, mais n'avaient pas la chance d'avoir la vénérable Garde Suisse pour les protéger comme Louis XVI l'avait eu au même endroit (ou presque) quelques 223 années plus tôt. Ils furent malmenés, bien tabassés, mais laissés vivants, en attente d'en faire quelque chose. Par un incroyable concours de circonstance, Renaud le Glaive, dont la mission était maintenant terminée, sacra Ardisson Roi des Français en la cathédrale Notre-Dame de Paris, puis s'évanouit dans la nature. Le nouveau roi fut applaudit, malgré de nombreuses réticences. Il ne fut pas le meilleur des rois, mais l'onction sacrée transforma le pêcheur Ardisson en Thierry IV, et depuis ce jour, il a fait oublier l'homme qu'il fut jadis. Il gracia les traîtres épargnés, et interdit formellement qu'on leur fit du mal. Leur malheur serait de porter leur passé et leur honte, et de vivre des aumônes et de la générosité de ceux qu'ils méprisèrent.

J'avoue que c'est plus de la science-fiction que de l'anticipation, hélas...

lundi 22 novembre 2010

Du cas Marine Le Pen.

La droite nationale a quelques individus intéressants ou hauts en couleurs, mais dans le domaine politique, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent. On sait que les De Villiers et les Dupont-Aignan, travaillant pour d'autres, peut-être d'ailleurs en toute innocence, ne peuvent être considérés de notre famille politique. Je n'entrerais pas dans le débat autour de ceux qui ont quitté le FN en claquant la porte, je ne connais pas assez ces histoires pour donner un avis. Loin de moi l'idée de rabaisser les Identitaires, dont le travail de terrain est notable et original, mais ils n'ont pas la crédibilité politique. Et aussi sulfureux et critiqué pouvait être E&R, Soral ayant annoncé son intention de raccrocher, il devrait se disloquer lentement. Enfin, le marginal Renaud Camus et son parti de l'In-nocence, dont la grande culture ne masquera pas le manque de charisme, et l'amateurisme politique.

Que reste-il? Il faut se rendre à l'évidence, la seule entité politique crédible en laquelle on peut se reconnaître, même si cela peut demander quelques contorsions, c'est le FN. Pas le FN de Jean-Marie, de Marine sa fille, de Gollnisch ou de quiconque, mais la "marque" FN, le symbole, le bulletin de vote qu'on retrouve partout en France et qui, tel Cambronne, dit "Merde!" à tous les autres. Le FN qui a fait pleurer les socialistes en 2002, et mis Jospin hors course. Le FN contre lequel des bédaveurs boutonneux à keffieh déroulent le crasseux tapis de leurs tignasses hydrophobes dans les rues de nos villes à l'appel du corps de fainéants le plus syndiqué de France. Le FN qui débonde les foudres de la bien-pensance, d'où s'écoulent à rythme soutenu des flots ininterrompus de formules aigres qui n'ont déjà que trop râpé nos palais pourtant peu difficiles -si seulement on en goûtait la lie, c'est qu'on arriverait à la fin! Ce FN, finalement, qui fait trembler de peur ou d'hystérie tous ceux qui ont en projet de nous réduire au silence, par le bâillon, la violence, la substitution, le métissage.

Mais on le sait, celui grâce à qui le FN est devenu ce qu'il est, Jean-Marie Le Pen, se fait trop âgé pour diriger le mouvement. J'attends patiemment que soient publiés ses mémoires, qui devraient être parmi les plus marquants et éclairants du demi-siècle, mais il faut reconnaître qu'à la tribune, il n'est plus celui qu'il était. Personne n'ignore que le congrès lors duquel se tiendra le vote pour élire son successeur à la tête du parti aura lieu à la mi-janvier, et les enjeux sont grands. Depuis quelques années, et plus intensément depuis quelques mois, j'étudie la question, et notamment la favorite, la fille du leader historique, Marine. Face à Bruno Gollnisch, elle représente une vision différente du Front National, changement de cap dont elle a déjà donné l'impulsion depuis plusieurs années. Dans ce billet, je me propose de partager mes réflexions et mes constats dans cette délicate polémique.

Marine a beaucoup pour elle. Elle est relativement jeune, elle a une image dynamique, et n'a physiquement rien à envier aux autres femmes qui sautent de ministère en commission. Elle a l'expression facilement virulente, et semble transmettre une colère qui vient des français eux-même. Elle n'a pas sa langue dans sa poche, et s'est retrouvé à accuser Polanski, Frédéric Mitterand et Cohn-Bendit de pédophilie à mots à peine couverts, à parler très durement de Sarkozy, à le mettre en cause dans le scandale en devenir que révèlera l'enquête sur les attentats de Karachi, si elle est menée sans que l'influence du président talonnettes ne soit trop sensible. Elle a une verve plaisante, c'est indéniable. Mais quand on a fini de s'émerveiller, on commence à se poser des questions. Doctrinalement, où va-t-elle? Au delà de ses gueulantes anti-gouvernementales, anti-syndicales, anti-islamistes, anti-mondialistes (sans jamais pousser très loin l'analyse, cependant), quelles valeurs fondent sa démarche, quel sens donne-t-elle à son combat, quelle est son idée de la France?

Et là, on se heurte à des réalités bien moins plaisantes. Car quand on analyse les discours et les interviews que son père donnait, on découvre une très haute idée de la France, une idée charnelle, naturelle, celle d'un fils de marin pêcheur bien français, qui a du trimer et suer, qui a pris les armes pour son pays, qui a fait preuve d'un dévouement sans borne, malgré un certain orgueil bien humain qui fait aussi la force de caractère du personnage. On découvre une intelligence supérieure, une capacité d'analyse hallucinante, une lucidité quasiment prophétique, et un talent oratoire que l'on a pas du entendre souvent depuis les plus grands maîtres de rhétorique de l'Athènes antique. Marine n'a pas ces convictions, cet amour naturel de la France, cette intelligence, ce don de savoir parler comme inspiré directement par Calliope. Elle sent un peu la fille de, qui a appris à barboter dans un lavabo, là où le père a lutté pour sa vie, traversant le grand océan en furie à la nage. Dans ses convictions, elle ressemble un peu à un singe ou un perroquet très savant, mais qui sans son dresseur se remettrait à grimper aux arbres ou à siffloter des airs légers.

Quel est son amour pour la France? Est-ce le sacrifice de sa personne pour rassembler ce qui jamais n'aurait du être dispersé ou séparé, et mener la chasse sans pitié aux capricornes qui rongent la charpente, aux champignons qui digèrent les fondations, aux cancrelats qui se terrent et pullulent?! Ou bien est-ce sa volonté de diriger le parti et de devenir présidente, élue sur un programme électoral validé par les voix usuelles de la démocratie?! Quelle est la France qu'elle aime? Celle des hommes et des femmes qui la constituent, comme d'un fil on fait un filet?! Ou bien celle des lois, des institutions, des constitutions, des principes sableux qui nous restent entre les doigts de pieds après la baignade?! Comment la veut-elle, cette France? Blanche, catholique, vivante de sa vie propre?! Ou bien laïque, républicaine, "sociale" (la manière pudique de dire invasive et incontournable)?! Et pour qui la veut-elle?

Je suis particulièrement frappé de l'énergie qu'elle déploie à vanter les mérites de la laïcité, et à marteler les valeurs de la république. Je comprendrais si cela n'était qu'un discours tactique, de dédiabolisation, mais il paraît évident que c'est réellement sa profession de foi. Ce n'est pas aux idiots de droite molle et du centre qu'elle fait la blague du billet attaché par une ficelle invisible, c'est à la droite nationale, catholique, authentiquement française qu'elle jette des os à ronger. Des petites racines chrétiennes de la France par-ci, une petite peine de mort par-là, une pincée sur tous les communautarismes, des jouets qui couinent et des frisbee à ramener. Paradoxalement, on dirait qu'elle se sent se compromettre à essayer de gagner l'électorat traditionnel du FN. Un peu comme un Indiana Jones, à la recherche d'un quelconque trésor aztec ou diamant gros comme le poing, prendrait le risque de s'appuyer sur le barreau pourri d'un pont de singe vétuste. Indéniablement, Marine se sent plus à l'aise devant la France entière, toute abreuvée de droits de l'homme, de drame de la Shoah, et de fin de l'histoire, que devant l'électorat FN qui a encore trop d'espérances, en la Patrie, en l'Eglise, en l'Ordre, en la France Éternelle, et qui a la volonté de pouvoir que cela se réalise un jour.

Certes, elle fait parfois l'objet d'attaques violentes, menées par des bas du front qui ne pourraient jurer être plus nets qu'elle sans transpirer, mais j'ai l'impression que ça l'arrange bien. Ainsi, au nom de l'aspiration naturelle d'union et d'entente qui est chère aux frontistes, suffisamment intelligents et instruits par l'expérience pour savoir que la division est un danger mortel, elle arrive à discréditer et ridiculiser par des procédés sophistiques toutes les critiques qui peuvent être exprimées à son encontre. Un des arguments que je considère particulièrement valable, c'est son extraordinaire présence dans les médias, qui pour plus d'un, moi compris, est suspecte. Elle sait que l'argument est dangereux pour elle, car il fait naître le doute. Aussi, cherche-t-elle à balayer cela: ceux qui porteraient contre elle cette accusation seraient des extrémistes abrutis, pour ne pas dire des traîtres, car ils sous-entendraient qu'un bon FN est un FN inaudible et sans crédibilité.

Elle prétend triompher dans les médias car les idées nationales passeraient de plus en plus à l'ordre du jour, se révélant vraies à tous. Sophismes! Car Gollnisch, dont on ne peut remettre en cause le patriotisme et l'attachement aux idées nationales, est lui complètement laissé sur le banc de touche. Quand on l'invite, c'est pour le faire parler de sa candidature à la tête du FN, on ne lui laisse jamais l'occasion de rentrer dans la doctrine, de participer à des débats avec des personnalités majeurs: il est proprement laissé sur la touche. Pourquoi à idées proches dans les grandes lignes, l'une est la petite coqueluche, et l'autre le bouche-trou méprisé? Le télégénisme de Marine est-il suffisant à expliquer cela? On aimerait le croire, sincèrement, mais quand on vote FN, c'est qu'on est pas tombé de la dernière pluie, et on sait l'ignominie du système.

On ne peut exclure que Marine puisse avoir des buts de carrière dépassant le cadre étriqué d'un combat pour la France de toujours, et son attachement à la laïcité et aux valeurs de la république équivaut quasiment à un serment d'allégeance. Dans un sens, on ne saurait trop l'en accabler: elle a vu son père trainé dans le boue comme peu d'innocents et d'honnêtes hommes ont pu l'être, malgré les efforts peu communs qu'il a déployé pour une juste et noble cause. Elle pourrait vouloir prendre revanche pour cet échec familial, plutôt que de perpétuer un combat qu'il n'est pas irrationnel de considérer perdu d'avance. On ne peut exclure qu'elle ait entendu des arguments d'une froide et calculatrice raison, plutôt que ceux d'une foi indéniablement très noble, mais sans grandes perspectives individuelles pour elle. On ne saurait exiger d'elle qu'elle porte la croix que son père a accepté de porter.

Car le combat national -j'ajoute:- et catholique, n'est pas qu'une question d'intérêts et de raison, c'est une question aussi morale et spirituelle. On y participe car on a une idée d'un bien, d'un ordre naturel des choses. Un de ces ordres apparemment matériel, mais que l'Église a toujours reconnu venir de Dieu pour le bien des hommes; l'ordre de la société étant une extension naturelle et bénéfique de l'ordre familial. Quelque part, on ne peut pas vraiment être de droite sans souhaiter une sorte de réenchantement du monde, contre une froideur inhumaine, une organisation mécanique, une mort de l'âme, de l'esprit et du coeur. Le patriote, même agnostique, découvrant la doctrine sociale de l'Église, s'écrit: "Mais voilà l'aboutissement de ce que j'ai toujours souhaité au fond de moi pour l'homme!" Il est simplement ému de trouver des mots d'humanité, d'une générosité bien pesée, d'un ordre juste, reposant sur une sagesse immense et une connaissance de la nature humaine inégalée, et portant un espoir pour l'homme qui dépasse les mots de la plus parfaite perfection. On ne peut y rester indifférent.

mercredi 13 octobre 2010

One for the vine.

Je suis un grand fan de Genesis. Selon moi, ils ont vraiment apporté quelque chose à la musique. Contrairement à une grosse partie de ce qui est sorti du "rock", ils ont su composer. Bien sûr, le départ de Peter Gabriel a été un coup dur, et petit à petit le groupe est devenu commercial et sans grande originalité, à mon avis sous la pression de Phil Collins, qui n'est pas très créatif. Mais les premiers albums post-Gabriel sont encore tout à fait acceptables. Duke marque le changement de style et de mentalité. Mais à mon propre étonnement, c'est dans un album post-Gabriel, Wind & Wuthering, que je trouve un de mes morceaux préférés, composé par Tony Banks: One for the vine:




Fifty thousand men were sent to do the will of one.
Cinq mille hommes furent envoyés pour accomplir la volonté d'un seul.
His claim was phrased quite simply, though he never voiced it loud,
Sa prétention se résumait facilement, bien que jamais il ne l'exprima,
I am he, the chosen one.
C'est moi, je suis l'élu.

*

In his name they could slaughter, for his name they could die.
En son nom ils pouvaient tuer, pour son nom ils pouvaient mourir.
Though many there were believed in him,
Et bien qu'ils étaient nombreux à croire en lui,
Still more were sure he lied,
Plus encore étaient persuadés qu'il mentait,
But they'll fight the battle on.
Mais ils iraient au combat.

*

Then one whose faith had died
Un qui avait perdu la foi
Fled back up the mountainside,
S'enfuit vers la montagne,
But before the top was made,
Mais avant qu'il n'atteigne le sommet,
A misplaced footfall made him stray
Un pas mal placé le fit s'écarter
From the path prepared for him.
Du chemin pour lui préparé.
Off of the mountain,
De la montagne,
On to a wilderness of ice.
À une étendue de glace.

*

This unexpected vision made him stand and shake with fear,
Cette vision inattendue le fit se lever et trembler de peur,
But nothing was his fright compared with those who saw him appear.
Mais son effroi n'était rien comparé à celui de ceux qui le virent apparaître.
Terror filled their minds with awe.
Une grande terreur emplit leurs esprits abasourdis.

*


Simple were the folk who lived
Simple était le peuple qui vivait
Upon this frozen wave.
Sur cette onde glacée.
So not surprising was their thought,
Aussi n'est-il pas étonnant qu'ils pensèrent:
This is he, God's chosen one,
"Le voici, l'élu de Dieu
Who's come to save us from
"Qui est venu pour nous sauver
All our oppressors.
"De nos oppresseurs.
We shall be kings on this world.
"Nous serons rois de ce monde."

*

Follow me!
Suivez-moi!
I'll play the game you want me,
Je ferais ce que vous attendez de moi,
Until I find a way back home.
Jusqu'à ce que je puisse rentrer chez moi.

*

Follow me!
Suivez-moi!
I give you strength inside you,
Je vous donnerais la force intérieure,
Courage to win your battles -
Le courage pour gagner vos batailles -

*

No, no, no, this can't go on,
Non, non, non, ça ne peut pas continuer,
This will be all that I fled from.
Çe sera exactement ce que j'ai fuis.
Let me rest for a while.
Laissez-moi me reposer un moment.

*

He walked into a valley,
Il alla marcher dans une vallée,
All alone.
Sans personne.
There he talked with water, and then with the vine.
Et il y discuta avec l'eau, puis avec la vigne.

*

They leave me no choice.
Ils ne me laissent pas le choix.
I must lead them to glory or most likely to death.
Je dois les mener à la gloire, ou plus certainement à la mort.

*

They traveled cross the plateau of ice, up to its edge.
Ils parcoururent le plateau glacé, jusqu'à sa bordure.
Then they crossed a mountain range and saw the final plain.
Puis ils traversèrent des montagnes, et virent la plaine finale.
Still he urged the people on.
Et il continuait à pousser ses gens.

*

Then, on a distant slope,
Enfin, sur une pente lointaine,
He observed one without hope
Il en vit un ayant perdu espoir
Flee back up the mountainside.
Fuir vers le flanc de la montagne.
He thought he recognised him by his walk,
Il pensa le reconnaître par sa marche,
And by the way he fell,
Et par sa chute,
And by the way he
Et par la manière dont il
Stood up, and vanished into air.
Se releva, et disparu complètement.

***

Certains y voient une critique des dictateurs et de la crédulité des foules, voire de Jésus, et de l'Église sous prétexte qu'elle poussa aux Croisades. D'autres soutiennent que ces paroles raconteraient une sorte d'histoire en boucle, où un homme se trouverait pris dans l'histoire qu'il créé. Personnellement, je pense que ce n'est pas aussi simple.

Dans cette chanson, j'entends toute la vanité pathétique de l'existence humaine, la manière dont le sort se joue de nous. Car "l'élu", un jour lui-même habitant misérable, est devenu soldat malgré lui, animé d'une foi factice qui s'effaça bien vite. Il était perdu, loin de chez lui, quand il tombe nez à nez avec cette population qui l'acclame et le fait se sentir important, bien qu'il garde sa distance, et ne fasse tout ça que pour rentrer chez lui, où il retrouvera sa petite place parmi la foule. Prenant soudainement conscience qu'il ne doit pas reproduire ce qui l'a lui-même mis dans cette situation, il se sent tiraillé entre l'attente de ces gens si simples et crédules, qui jamais ne comprendraient qu'il ne soit pas celui qu'ils ont cru voir en lui; et sa propre situation, son désir simple de rentrer chez lui, de retrouver là-bas ce qu'il a du quitter dans les mêmes conditions que le peuple des glaces s'apprête à le faire à sa suite.

Il le sait, c'est tracé, il doit les emmener à la mort comme lui-même y a été emmené. Il renonce à revenir un jour chez lui retrouver sa vie d'avant, et en même temps il sait qu'il les mène à la destruction, au malheur et à la mort. Mais leur espoir ne lui laisse pas d'autre choix. Paradoxalement, il sait que le sens qu'ils viennent de trouver à leur existence les conduit tous, lui inclut, à la mort. Quelle vanité, quel sinistre jeu le sort mène avec nos pauvres carcasses, nos rêves et nos espoirs! Ô créature pathétique, voit où ton destin te mène!

L'élu, résigné, conscient qu'il n'y a aucune échappatoire, dirige la troupe et mène l'assaut, au moins aura-t-il accompli son destin. Mais se retournant, il découvre un autre lui-même, un autre élu en devenir, et il réalise, il comprend soudainement l'absolu vanité de toute son existence, depuis le jour où l'élu est arrivé dans son propre village. Jamais ne cessera ce cycle insensé, jamais le monde ne sera à court d'élus et d'espoirs indécevables menant à la destruction et à la mort. Et un énième paumé, pris dans les engrenages du destin, ayant pour seul souhait de retrouver une vie tranquille, se mettra à guider à la mort une population misérable qui vit de l'espoir d'être guidé à la victoire. Et tout le monde aura tout perdu, et ça recommencera encore, et encore, et encore. C'est le drame de l'homme que raconte cette chanson, c'est l'histoire des conquêtes, des gloires, des décadences et des ruines, l'histoire des amitiés et des traîtrises, du courage et de la peur, de l'amour et de la haine, de l'espoir et de la mort.

Petites choses que nous sommes, sans prise et sans repaire, inconscients rassurés par notre cécité, ballotés par le sort.

Mais tout doux maintenant.

Et ça finit sur un air de piano mélancolique...

mardi 28 septembre 2010

Coup de gueule

Vous remarquerez que mes derniers billets n'ont pas tellement abordé des thèmes politiques, sociaux, moraux, ou d'autre domaine classique dans lequel le réactionnaire online s'illustre. C'est que cela me lasse terriblement. On relit toujours les mêmes réflexions, les nouvelles funestes se suivent et se ressemblent dans une chute régulière vers le chaos social et moral, et au final rien de bouge de notre coté. C'est excessivement mal, mais je m'en lave les mains, d'autant que mes affaires personnelles me tiennent bien occupé. Plutôt que d'aborder ces sujets de front, ce qui est vain, répétitif, et ennuyeux, je vais continuer en poussant ma gueulante sur une autre exemple de la faillite française: le BM63.



Cette reine parmi les chaussures, qu'on appelle plus communément "LA ranjo", a été en réalité baptisé "brodequin de marche modèle 1963" par l'administration, qui a le sens de la formule et l'âme poétique. Pour ceux qui ne la connaitrait pas, c'est la fidèle godasse de l'armée française depuis... bah, un baille! Elle est en cuir grainé généralement de haute qualité, semelle cousue goodyear, donc resemellable, et toutes les autres coutures sont doubles ou quadruples, sauf celles de la languette, qui remontent jusqu'au dessus de la cheville, rendant la chaussure théoriquement étanche. Elle est l'hétitière directe du BMJA -pour brodequin de marche à jambière attenante- qui lui-même était une récupération du vieux brodequin qui s'arrêtait à la cheville qu'on a piqué aux ricains. C'est un modèle qui donc a vu virtuellement l'Indochine et l'Algérie, et effectivement le Tchad, la Côte d'Ivoire, le Kosovo, l'Afghanistan.

Pour personnellement les porter régulièrement, j'avoue qu'on est pas baisé. Aucune pompe sur le marché ne peut rivaliser en qualité et en solidité pour le prix auquel on les trouve quasiment neuves en surplus (entre 40 et 60E), voire en brocante (5 à 20E). C'était vraiment un motif de fierté nationale. Il fallait donc que ça change. Paraît-il, on se plaignait dans les compagnies: elles auraient fait mal aux pieds. Une fois qu'on y est fait, et avec les chaussettes adéquates, j'ai découvert que c'est plutôt l'exact opposé. Si toutefois l'on connait sa pointure, car trop serré c'est immettable, et trop grand ça transforme le pied en loque sanguinolente, du fait que le pied se balade dans l'espace laissé libre, provoquant friction, donc ampoules. Sans vouloir remettre en cause la valeur de nos soldats, je pense qu'il y en a qui auraient mieux fait de devenir coiffeurs. Mais je suspecte surtout qu'on se soit mis en haut lieu à les trouver trop archaïques.

Car aux USA, les modèles tout cuir ont été remplacés petit à petit par des jungle boots, au départ mis au point pour la guerre du Vietnam. Nos jungle boots à nous, c"étaient les pataugas comme on dit vulgairement (en réalité des Wissart et des Palladium), très souples, légers, respirants, particulièrement adaptées aux terrains instables, boueux, demandant une grande mobilité des chevilles, et pas cher à produire, mais "jetables". Le jungle boots sont entre la vrai rangers et la pataugas, puisque la semelle est moulée (pataugas), qu'il y a quand même souvent des pièces de cuir (rangers), qu'elles sont légères, respirantes et souples (pataugas), mais d'une fabrication assez soignée (rangers). C'est ainsi que sans grande modification, la jungle boots du Vietnam est devenue celle pour l'Irak ou l'Afghanistan. C'était impossible avec la pataugas, trop légère, trop souple, que le sable et les cailloux de ces zones arides auraient martyrisé. Alors, logiquement, on a doté nos soldats des bonnes vieilles rangers grainées.

Mais voilà, l'herbe est toujours plus verte ailleurs, surtout aux pieds des pantins que l'Oncle Sam envoi au casse pipe. Et alors qu'on garde le FAMAS qui ne peut même pas être approvisionné correctement avec des munitions alliées (la chambre et la culasse du FAMAS n'est pas exactement aux même dimensions ni avec les mêmes tolérances que celle du M4, ce qui provoque des enrayements plus fréquents), on s'est mis à trouver qu'il n'était pas tolérable, au vingt-et-unième siècle et au troisième millénaire, d'avoir encore des godasses en cuir, cousues goodyear, qu'on pouvait garder des années. Il fallait de la semelle moulée, du nylon partout, ou du cuir bien souple façon peau de bébé dans une pub pour rasoir électrique, et qui ne se garde pas deux ans. De la modernité, quoi! Cela est déjà en soi affligeant, mais le "meilleur" est à venir.

Si ces rangers réglo ont été rendues légendaires, c'est en grande partie grâce à leur grande qualité. En effet, elles étaient fabriquées par Marbot à Neuvic, en Dordogne. Cette entreprise vivait des commandes de l'armée, qui représentaient, si je ne m'abuse, plus de 60% de son chiffre d'affaire. En gros, chez Marbot, on savait surtout faire de la ranjo, et précisément de la BM65. Il y avait les machines et l'outillage pour ça, et des ouvriers qualifiés. Aussi, je suppose, quand l'Etat a fait un appel d'offre, Marbot n'a rien pu présenter de convaincant, à pouvoir produire rapidement et sans gros investissement. Résultat, nos soldats iront maintenant mourir en Afghanistan puis en Iran avec des saloperies faites en Tunisie aux pieds. Marbot a été liquidé, les machines bradées, les 73 employés au chômage, et presque un demi-siècle d'histoire et de tradition ont étés balayés d'un mouvement de poignet.

Etudions plus en détail les tenants et les aboutissants de cet échec de la France contre elle-même. D'une part, il y a cette volonté idéologique de "modernité" sous des prétextes fallacieux (comme si on se souciait des petons de mecs qu'on envoi mourir loin de leurs familles pour les intérêts des puissances étrangères). C'est entendu. Mais le germe du problème, la puanteur malsaine dans cette histoire, c'est la manière dont sont compris et appliqués les principes libéralistes contre les peuples. L'idéologie de la "concurrence libre et non faussée" a mis 73 travailleurs sur le carreau. Car en faisant un appel d'offre, et connaissant la situation de Marbot, c'était joué d'avance. Marbot ne pouvait pas, vu le créneau dans lequel il était engagé depuis des dizaines d'années, passer du jour au lendemain de la bonne godasse tout cuir cousu goodyear à la pompe semi-jetable en nylon à semelle moulée. Non seulement ce n'était technologiquement pas possible, mais si jamais ça l'avait été, jamais, même avec la meilleur volonté du monde, n'aurait-il pu concurrencer le coût de la main d'oeuvre du tiers-monde. Lancer un appel d'offre, c'était déjà envoyer le commissaire priseur et les convocations ANPE. Tous le savaient! Et sciemment, délibérément, ils l'ont fait.

Mais en fait, avaient-ils vraiment le choix? Car, si l'on y regarde bien, ce libéralisme criminel, ennemi de l'humanité, a des alliés puissants. Cette "concurrence libre et non faussée", c'est une injonction de Bruxelles, qui jamais n'aurait toléré que l'Etat, au lieu de lancer un appel d'offre aux mêmes conditions pour les français que pour le tiers-monde, travaille main dans la main avec Marbot, élabore un modèle en connaissance des besoins du terrain et des moyens technologiques, investisse, fasse son possible pour que les ouvriers soient formés aux nouvelles méthodes, que le travail et les compétences restent en France. On est coincé. La France joue contre elle-même. Elle a refermé sur elle-même la dame-de-fer qui sera vraisemblablement son tombeau.

samedi 11 septembre 2010

Le crime du siècle

Crime of the century est un album de Supertramp, sorti en 1974. Supertramp n'est certes pas un groupe réactionnaire, mais Roger Hodgson -que je considère, personnellement, comme l'âme du groupe- avait une importante sensibilité, et en cela était très humain, chose que le siècle veut faire disparaître. Si vous avez cet album, je vous conseille de vous le passer en même temps. Sinon, empruntez-le à la discothèque, ou à défaut, téléchargez-le. Prenez le temps de prendre le temps, et écouter du début à la fin un bon album est pour cela une agréable occasion.

Cet album s'ouvre sur la chanson School, dont on pourrait facilement dire qu'elle est de ton gauchiste, mais qui met plus généralement en garde sur la tendance à l'abrutissement, à l'anéantissement des individualités, des originalités, auquel mène l'éducation bourgeoise, devenue la norme. De manière générale, c'est une critique, certes un peu conventionnelle, mais qui fait une bonne introduction, de notre société étouffante pour les êtres humains. Cette société qui n'accepte ni guerrier, ni mystique, ni prêtre, ni artiste, ni la moindre forme d'imprévu, est finalement contre l'élan vital, créatif, bouillonnant, de la vie, dont l'homme est l'aboutissement aussi bien individuellement que collectivement. C'est tiraillé par sa nature aux milles facettes contradictoires, et s'en sortant par nécessité, que l'homme est Homme, et grandit.

Vient ensuite Bloody well right, que je comprends personnellement comme la critique de la petite mentalité gémiarde commune, qui se plaint souvent, qui se trouve des excuses, qui aime se sentir en droit de se plaindre. Mais ce mécontentement en réalité profondément légitime n'est pas compris de ceux même qui l'exprime, qui finalement tolèrent et supportent en gémiant, sans rien faire d'autre qu'aller se plaindre quelque part où ils savent qu'ils ne seront pas entendu, et sans même sentir qu'au fond, il y a bien plus en jeu que ce qu'ils imaginent.

Hide in your shell a pour moi une charge émotionnelle très forte, puisqu'elle me rappelle le plus bel et pur amour que mon coeur ait connu, mais qui évidement était inaccessible. Cette chanson raconte la sympathie, au sens le plus fort, que peut avoir un être pour un autre. Il comprend ses peines, ses doutes, ses regrets, ses hypocrisies, il voit en lui clairement, et veux porter avec lui l'existence, qui parfois est une charge. Il est question aussi de la barrière des convenances et d'une certaine forme de détachement qui nous éloigne des autres. On bloque même les sentiments bénéfiques, on bloque même le partage heureux, on bloque la joie, on bloque l'amour. Mais on en souffre, car quand on est dans la peine ou la difficulté, on attend fébrilement qu'une main se tende. Et quand c'est enfin le cas, par orgueil, on la repousse. Cette chanson est la prière de celui qui tend la main, qui tend l'amour, à celui qui devrait s'en saisir franchement, sans hésiter, au lieu de maintenir la distance, de rester dans cet isolement qui détruit.

Asylum est une chanson assez troublante, peu compréhensible à mon sens. Mais elle porte bien son nom. C'est clairement l'histoire d'un "fou" qu'on a coffré à l'asile, mais on ne sait pas vraiment pourquoi. Manifestement, il ne supportait pas son voisin quand il était encore dehors, le genre de voisin dont les seules phrases qu'on arrive à tirer sont: "Bonjour, comment allez-vous?", "Quel agréable après-midi!", "Pensez-vous qu'il va pleuvoir?" et "J'ai failli rater mon train". Je pense que ça rejoint un peu le thème de la chanson précédente sur l'idée qu'il est déraisonnable de vouloir un peu de chaleur humaine, ou même simplement d'avoir affaire à des humains, et non à des machines dépersonnalisées. Si des commentateurs plus habiles en anglais que moi pouvaient m'aider à saisir le sens exact -si toutefois il y en a un- de cette chanson, je leur serait reconnaissant.

Dans Dreamer, on nous appelle à rêver un peu, à ne pas se contenter du matériau disponible dans notre existence. Si l'on se retrouve souvent au pied du mur, sans plus se sentir capable de faire quoi que ce soit, c'est surtout par manque d'imagination. Si on avait rêvé un peu avant d'en arriver là, on aurait bien imaginé une autre issue, on aurait bien pu se la rendre accessible. Et celui qui se retrouve finalement au pied du mur se moque pourtant facilement du rêveur, lui se croit concret, pragmatique, réaliste, et méprise ce rêveur dont l'esprit vadrouille, mais est donc libre.

Rudy est dans un train vers nul part. Il passe dans la vie, il attend toujours, il se sent toujours avoir besoin de temps. Il ne veut pas se tromper, aussi se décide-t-il toujours trop tard, et l'occasion est passée. Il vit dans l'attente d'une joie qui est toujours à portée de main, mais qu'il ne sait pas saisir quand elle approche, et sa main se referme toujours sur du vide. Il sait ce qu'il devrait faire, comment il devrait être, il n'ignore rien de tout cela. Mais il est toujours très vite de retour dans son train. Paul connait un frère à Rudy: Nowhere Man. Combien sommes-nous à passer ainsi dans notre propre vie?

La scène est en place, les lumières sont éteintes, tout le monde est dans les coulisses, le rideau est prêt à être levé dans If everyone was listening. Mais personne ne sait vraiment quelle pièce va être jouée, quel rôle il y a, quel est son personnage, son costume, ses répliques. Mais la pièce se joue quand même. C'est le drame de notre existence que nous jouons sans y comprendre grand chose. On ne sait pas ce qu'on fait, on n'écoute personne, on saccage tout, on gâche tout, en croyant avoir bien fait. On s'est cru tout seul sur scène, on a cru qu'être acteur était suffisant. Mais le rideau tombe, et la pièce est jouée: qu'avons-nous fait?

Nous y sommes, nous allons découvrir qui a préparé le Crime du siècle. Mais il y a quelque chose qui cloche: c'est vous et moi.



SIÈCLE, subst. masc.
I. Espace de temps.
II. P. méton., au sing.
A. Ensemble de caractéristiques propres à un siècle, à une époque donnée.
B. RELIGION [Avec art. déf.]
2. Empl. abs.
a) Le monde et ses préoccupations temporelles (considérées comme frivoles, futiles, par opposition à la vie spirituelle, chrétienne).

lundi 30 août 2010

Eloge de la campagne.

Samedi soir, il y avait un petit festival local de musique traditionnelle (bretonne et auvergnate) dans mon coin du Puy-de-Dôme. C'était en plein air, avec une buvette, tout était géré par des bénévoles, le genre de petit évènement bien sympathique. Il y a eu au maximum 300 personnes qui sont venues, la plupart du coin. Des gens normaux. Des gens de la campagne. Sur la petite scène mobile, les groupes traditionnels qui se sont succédés, avec des prestations tout à fait acceptables pour la circonstance, jouaient de la musique à danser. Et, miracle: les gens dansaient! Quelque uns savaient ce qu'ils faisaient, mais la majorité se laissait entraîner, suivant leurs voisins et leur compagnons de danse, ou peut-être de vagues souvenirs. Les cercles circassiens étaient un peu chaotiques, les bourrées approximatives, les cadences anarchiques, mais on dansait. Si, si: des français dansaient! Il y avait des jeunes, il y avait des vieux. Il y avait des grands, il y avait des petits. Il y avait des masses, il y avait des brindilles. Il y avait des couples, il y avait des célibataires. Il y avait des amis, il y avait des inconnus. Il y avait même deux lesbiennes en saroual et une asiatique! Mais tous, ils dansaient au son de cette musique.

J''étais intérieurement ému à cette vision. Non pas car c'était une manifestation de "solidarité" ou de "tolérance", encore moins parce que c'était festif et citoyen, mais parce que c'était humain. Quand on a grandi en région parisienne, on est pas tellement habitué à voir cela. Il est vrai que je n'ai jamais vécu dans d'autres grandes villes, mais je crois voir apparaître un importante dichotomie: entre la ville et la campagne, ou du moins la province. Bien sûr, c'est un simplification outrancière -j'habite d'ailleurs dans une ville de province- mais pour penser, il faut bien commencer par modéliser. La campagne est globalement homogène, lente au changement, concrète et pragmatique. La ville est cosmopolite, s'enorgueillit de suivre toutes les modes et tendances, s'attache aux idées, aux concepts, aux doctrines. La ville produit des manifestants, la campagne des résistants. La ville est "tolérante" par nature, puisqu'elle est multiculturelle, de fait elle désintègre. La campagne est "raciste" et "xénophobe" par tradition, donc elle assimile. En réalité, la ville est tolérante à l'étrangeté, pas à l'étranger; la ville se partage en communautés: de classe sociale, d'origine, d'activité, de moeurs et de culture. La campagne rejette l'Islam et l'homosexualité, mais elle accepte les musulmans et les homosexuels, elle les admet en son sein s'ils veulent en faire partie. A la ville, on prêche la laïcité et l'égalité de traitement de toutes les opinions, mais on subventionne la gay-pride et l'on organise de grandes fêtes pour l'Aïd. A la campagne, on aime pas bien les pédés et les Ben Laden, mais les premiers sont libres de leurs ébats et les seconds de faire le ramadan, seulement on ne leur concède pas le droit à l'existence communautaire publique.

La campagne n'est pas un refuge identitaire -on y trouvera peu de gens bien informés et radicaux dans leurs opinions-, mais elle est un foyer d'humanité réelle dans une civilisation urbaine décadente et suicidaire. Il n'y a qu'à la campagne qu'on fait encore danser ensemble jeunes et vieux, grands et petits, masses et brindilles, couples et célibataires, amis et inconnus, et même des lesbiennes et une asiatique, au son du biniou ou sur une bourrée à la cabrette et à l'accordéon. C'est à la campagne que se manifestent les hautes vertus civilisatrices de la tradition.

vendredi 20 août 2010

De la démocratie (et digressions)

Tout d'abord, je tiens à remercier mes trois commentateurs, à qui je n'ai pas su répondre car je ne suis par averti par mail des commentaires. J'écris ce nouveau billet sur une saute d'humeur, et voyant qu'il y a quand même eu quelques consultations.

C'est un classique incontournable de la réacosphère que de mettre son petit coup de tatane dans les flancs de la démocratie agonisante, aussi ne saurais-je y manquer, malgré le caractère particulièrement lassant de ce genre de réflexions lues et relues. Après cette introduction propre à faire fuir le lecteur qui vient pour apprendre quelque chose ou passer du bon temps, je garde la crème, le hargneux, l'aigri, le misanthrope insupportable, bref, mon frère et ami.


La démocratie, donc. Le pouvoir au peuple, nous dit-on. Soit. J'ai bien conscience de ne pas être à moi tout seul le peuple, mais sans être tout à fait moyen, je suis au moins commun. Et tout commun que je suis, sans même aller chercher très loin dans la théorie, et au risque d'employer un mot grossier, j'ai bien l'impression d'être pris pour un con. On me dira: le français est râleur, le français n'est jamais content. Je le vérifie tous les jours, mais là n'est pas la question, puisque dans le cas présent, le français semble au contraire particulièrement patient et bonne pâte. Je vous passerais l'énumération laborieuse des faits récents, que vous connaissez, sinon mieux que moi. L'abstention sans cesse croissante est le symptôme que quelque chose s'est brisé dans l'idéal ou dans le mensonge, selon le point de vue. L'existence de cette impression d'être méprisé de la classe politique est indiscutable, aussi, examinons si le bon peuple de France est encore la victime crédule de la propagande populiste d'extrême-droite, ou si cette fumée a pour feu la Rome que Néron brûle.

Notre constitution est celle d'une démocratie. Notre système politique officiel est celui d'une démocratie. Nous votons, nous avons des représentants, que nous pouvons pétitionner et contacter ou rencontrer. En théorie, le système idéal. Mais il y a une faille: on est tous humains. La constitution n'a pas plus d'effet sur les hommes politiques, et notamment sur ceux qui ont une haute responsabilité dans le système que la loi n'en a, par elle-même, sur le peuple. Les textes et les principes n'ont aucune force par eux-même, derrière il faut une force répressive, quelque chose à craindre. La constitution n'est garantie que par des institutions qui font partie du système, qui sont globalement liées aux mêmes intérêts. Le gardien ultime de la constitution, en principe, c'est le peuple, mais les institutions qu'organise la constitution ont pouvoir sur le peuple. Le système, pour faire obéir le peuple, a la police et la justice; le peuple, désarmé, atomisé, gavé de propagande, n'a quasiment aucun moyen de résistance ni légale, ni même illégale.

C'est là qu'est le génie de la manoeuvre démocratique, car ce n'est rien d'autre qu'une manoeuvre politique. Consacrant dans le discours le pouvoir du peuple, il s'assure que dans les faits, en cas de "déviance" (si tant est qu'on puisse considérer comme une déviance le fait qu'un système arrive au but pour lequel il était prévu), ce soit toujours la force qui triomphe, celle qui est du coté des puissants. Car un député n'est pas un élu ou un représentant du peuple: c'est avant tout un puissant. Un président est un puissant. Ses ministres sont des puissants. Les préfets sont des puissants. Les juges sont des puissants. Eux sont obéis quand ils donnent des ordres, car la coutume a instauré un pouvoir de fait, en dehors de toute considération de légitimité démocratique, si bien qu'ils peuvent voter des lois anticonstitutionnelles (et c'est déjà largement fait, notamment du fait que des accords internationaux ou européens diminuent terriblement l'étendue de la souveraineté nationale), rendre des jugements iniques, tenir des discours mensongers et opposés à la fois aux désirs et aux intérêts du peuple, leur pouvoir n'est pas remis en question, leur légitimité n'est pas remise en cause, ou à peine.

Il est très important de comprendre et de faire réaliser que les textes, les lois, les principes n'ont de valeur que tant qu'il y a des gens pour y croire ou s'y tenir, ce qui fait un gros point commun avec les promesses mensongères. La crise des ligues, dans les années 30, n'est pas celle du fascisme, c'est au contraire la prise de conscience par une partie des français qu'il n'y avait plus qu'eux, pauvres crétins, pour encore croire à ces foutaises. Les puissants, eux, avaient depuis longtemps compris qu'une fois dans la place, tant qu'on maintient un minimum les apparences, on a carte blanche. La démocratie, c'est l'ode à la crédulité populaire que font les puissants qui peuvent se remplir les poches derrière un paravent de grands principes, de discours vibrants, et de promesses agréables. Et aujourd'hui, en 2010, nous sommes dans une situation bien pire encore que dans les années 30, car les puissants ont définitivement monté une fraternité internationale (plus de risque que divers troublions viennent les pousser de leurs sièges), ils ont une compréhension plus fine que jamais de l'importance de savoir communiquer, et notre dépendance vis-à-vis des institutions nous enchaîne au système, qu'il devient difficile d'imaginer renverser, même bousculer, sans risquer de perdre plus encore qu'en se laissant prendre pour un con.

D'ailleurs, malgré que je sois non-fumeur et que la fumée m'irrite les yeux, j'ai été atterré de voire que les français ont obéi si facilement à cette interdiction de fumer dans les lieux publics. Je ne suis franchement pas convaincu que le régime nazi aurait pu réussir une chose pareille. Ca me désole et ça me fait froid dans le dos. Les français d'aujourd'hui doivent être largement au dessus des allemands des années 30 et 40 sur l'échelle de Milgram.

Mais la contradiction précédemment dévoilée de la démocratie, à savoir le fait de prétendre donner le pouvoir au peuple tout en lui retirant tous les moyens de le recouvrer s'il en était spolié en lui opposant le pouvoir de fait et de coutume des institutions, ne se double t-elle pas d'un autre paradoxe plus profond encore? Car en donnant au peuple le droit de vote, et en consacrant la liberté (dans le discours), on affirme bien sa responsabilité et sa clairvoyance. Pourquoi alors ne pas l'autoriser à diriger par lui-même, pourquoi lui imposer un président, des ministres, une assemblée, un système judiciaire, etc? Laisser à un obèse le choix de son diététicien, est-on bien sûr que c'est là une grande preuve de confiance? En imposant le vote pour des représentants et un président, ne signifie-t-on pas au peuple que, justement, il n'est malgré tout pas assez grand pour se gérer tout seul?

On aperçoit alors clairement le péché originel de la démocratie: elle repose sur une conception de l'homme qui n'a pas été clarifiée: sait-il et fait-il ce qui est bon ou non? Si l'on prétend que l'homme est assez grand pour se gérer tout seul, on doit être partisan de l'anarchie (dans son sens noble et dégauchis), si l'on prétend le contraire, on doit être pour la dictature ou le royalisme. Un examen plus approfondi de la question montre que la conception fondamentale de la démocratie est en fait tout le contraire: aristocratique, puisqu'elle postule que seuls les élites élus sont responsables et aptes à gouverner le peuple globalement irresponsable et dangereux pour lui-même. Cette conception n'est pas en soi honteuse, sauf quand elle se part des atours de la thèse inverse en se nommant "démocratie". Ce glissement sémantique montre une volonté primordiale de tromper le peuple: il s'agit de lui faire croire qu'il est libre et responsable, pour que les élites gardent le pouvoir de fait. Ce mensonge fondateur est la marque de la malveillance intrinsèque qui préside à l'instauration du régime démocratique sur tout autre, et que l'on retrouve dans l'idée qu'en démocratie, la liberté, concept tant loué, n'est jamais que ce que permet la longueur de la chaîne.

dimanche 21 mars 2010

Les Yeux Gris se mouillent parfois.

Malgré une sorte d'insensibilité chronique qui fait que la mort d'un proche, ou quelque mauvaise annonce qui devrait me toucher profondément me laisse presque de marbre, il m'arrive de me mouiller les yeux. Si certaines causes sont assez triviales (un air écossais, un hymne national, une peinture d'un grand maître), il est une chose qui m'émeut très justement, du moins le crois-je. Le Christ. Le Christ et son sacrifice, cet amour infini et désintéressé qu'il a pour nous et qui l'a conduit sur la Croix. Je ne m'étalerais pas sur le sujet, d'autres le feront mieux que moi, et je trouve que l'exploration de ce mystère est quelque chose qui relève de ce qu'il y a de plus intime. Mais je parlerais -paradoxalement- des circonstances personnelles qui m'ont mis les pieds dans ce chemin.

Evidemment, tout a commencé avec une fille. En réalité, nous ne pouvions pas nous voir, habitant trop loin l'un de l'autre, et par ailleurs elle avait déjà quelqu'un. Je suis donc devenu son confident par -on aura beau critiquer- messagerie instantanée. Un soir, alors que nous parlions affaires de coeur, elle m'a résumé sa première expérience, quasiment forcée, avec une brute sans âme qui, le lendemain même, l'humilia en public d'une manière indescriptible tellement la perversité et la bassesse s'y mêlent avec égale horreur. Cher lecteur, tu ne te doutes pas de quelle manière ce récit m'a touché. Je me sentais honteux d'être un homme, honteux d'exister dans un monde ou de telles choses pouvaient se produire, honteux de ne rien pouvoir faire pour réparer ce crime contre cette fille pour qui j'ai énormément d'affection.

C'est alors que, de tout mon coeur, j'ai souhaité aspirer, prendre sur moi et pour moi sa douleur. De tout mon coeur, j'ai voulu prendre en moi sa peine, sa souffrance, l'acte odieux lui-même. Je pleurais comme jamais je n'ai pleuré, et, oui!, je me suis surpris à prier que ces larmes, cette affliction sincère et profonde, qui me brisais jusqu'au fond de mon âme puisse soulager la sienne. Et j'ai entrevu. Entrevu qu'il y en avait des milliers de torturées comme elle, des millions de gens qui souffraient tout aussi injustement et inutilement. Entrevu la souffrance qui afflige le monde, qu'un coeur d'homme seul jamais ne pourra porter. Et j'ai compris. Compris que c'est un coeur de dieu qui a porté cette souffrance. Compris donc, le prix du sacrifice de Jésus, compris ce qu'il a enduré pour nous, compris la peine et la souffrance immense qu'il a mis dans son coeur pour la retirer des nôtres, compris l'Amour infini qui l'animait, compris que jamais personne n'a tant souffert pour ceux qu'il a aimé.

Je crois que c'est ce jour là, grâce à cette jeune fille, que, d'une certaine manière, je me suis baptisé en mon propre coeur au nom de Jésus Christ, celui qui m'aime comme personne ne peut m'aimer, et celui qui prend de mon coeur la peine que j'ai tenté de prendre en d'autres. Jésus Christ par qui passe ma joie, sans que je n'arrive encore à le reconnaître à chaque instant, mais que je sais au fond de moi. Jésus Christ par qui ma peine se transforme bien vite en reconnaissance, car il m'en a libéré. Jésus Christ par qui j'essaye de revoir ce que je fais, et de me changer pour les autres. Jésus Christ, enfin, qui m'écoute quand je suis seul, et dont le coeur infiniment chaleureux réchauffe le mien et fait fondre tout ce qu'il y a de froid en moi, d'où les larmes de joie. Jésus Christ que je ne remercie jamais assez, mais à qui je dois tout, ingrat que je suis!



P.S.: Je vous promet que ce genre de post n'arrivera pas souvent!

samedi 20 mars 2010

Freddy, ou la maîtrise de l'esprit.

Je n'ai pas la télé. Je ne m'en porte pas beaucoup plus mal, mais je m'évite ainsi beaucoup de mauvais sang et de colères inutiles. Déjà le peu qui retombe à moi au travers de la réacosphère me débecte et me rend fou. Je me demande comment il est possible de tolérer, le plus souvent dans des pièces où l'on vit, cette boîte dont on sait qu'elle est vecteur des pires obscénités, même éteinte et débranchée. Pour la personne saine d'esprit, ayant le sens des réalités, attachée à ce qui est vrai et durable dans ce monde, et non à ce qui est mensonger et passager, cette propagande incessante et multiforme doit être comme une camisole de barbelés -camisole posée par les fous qui ont réussi à enfermer leurs gardiens- dans laquelle le plus de résistance nous vaut le plus de souffrance. Voilà pourquoi tant de personnes -le français moyen, comme on dit, qui n'est pas un mauvais bougre- préfèrent encore laisser les pointes s'installer dans leurs chairs, plutôt que de se les déchirer en cherchant à se libérer. Ils ne régissent plus, car la moindre agitation leur rappellerai que leur situation est absolument intolérable.

Mais contrairement à une véritable camisole, celle-ci n'est qu'en esprit. Pourquoi se déchire-t-on dans leur camisole? Car implicitement on l'a reconnu! J'en viens à un point important: bien trop de gens, de l'ordre matériel du monde, ont fabriqué un ordre moral ou mental en étant la parfaite transposition. Ce n'est certainement pas conscient, mais les répercussions en sont évidentes et directes, car d'une soumission forcée liée à des rapports de force économiques, politiques, sociaux, ou que sais-je, a découlé insidieusement une sorte d'esclavage mental, sous la forme de la reconnaissance et de l'intériorisation de cette situation. C'est peut-être malvenu comme comparaison, mais comme Freddy Krueger (Nightmare on Elm Street ou Les Griffes de la Nuit, pour ceux attachés aux titres français de films qui ne le sont pas), son emprise sur nous, c'est notre faiblesse à lui en laisser, ou à lui en conférer. Les blessures de ses griffes sont notre terreur bien réelle de la blessure.

Bien sûr, le fait de s'exposer quotidiennement, par habitude, à ces nocivités télévisuelles, par un effet de suggestion finit par abrutir et diminuer les capacités de résistance de l'esprit, mais cela n'implique pas en soi le processus de reconnaissance. Celui qui n'a pas peur de Freddy prévient ses attaques. Celui qui refuse la camisole mentale la fait voler en éclat: si on est maître quelque part, c'est bien dans notre tête, mais encore faut-il le réaliser et l'expérimenter. C'est par notre esprit que commence la reconquête, quelle qu'elle soit: chassez-en tout ce que vous y voyez avoir une emprise illégitime.

mercredi 17 mars 2010

Au commencement...

...il y avait la lassitude. L'ennui. Un désabus. Une désillusion.

Des yeux gris.


Je ne suis pas le seul, nous sommes toute une génération qui vit dans les ruines d'un rêve, peu importe le nom qu'on lui donne.
Je ne suis pas le seul à vouloir parler de cela, à vouloir rager, à chercher où mettre mes espoirs, et à souhaiter sur ce maintenant qui a une odeur d'éternité en décomposition un demain à mesure humaine.
Mais j'espère que je ne serais pas le seul à le lire.

Bienvenue.