mercredi 1 décembre 2010

Qu'est-ce qu'on est bien... en France?

J'ai le goût du jeu. Aussi ais-je été intéressé par le petit "concours littéraire" sans prétention qui nous est proposé par notre Fourme préférée (de Montbrison, pour moi). Mais n'étant pas un grand adepte de l'écriture sur mouchoir ou post-it, la contrainte de longueur rend mon texte peu adéquat, aussi bien au "concours" en lui-même, qu'à la publication en commentaire. Je me permet donc de le poster ici, en mettant un lien dans les commentaires du billet cité plus haut.

Le 20h relaye l'information, brute, assortie d'un rapide reportage sur les conditions de la prise de cette décision. Mais pas une intervention d'homme politique, ni même d'analyse journalistique de l'évènement. Pendant trois jours, la France reste interdite, silencieuse. Les nouvelles du monde parviennent assourdies, comme si une épaisse bulle isolait les individus. Dans les cafés et les bars, on marmonne comme à l'accoutumée, en alternant les discussions sur la corruption, le temps qui change, et les chinois qui vont nous bouffer. La décision était attendue, on la sentait venir, mais la brutalité de l'entendre effectivement prise a mis même ceux qui s'en réjouissaient dans un silence plein de questions. Puis petit à petit, on s'est remis à parler. Il était évident qu'on ne pouvait pas faire comme si de rien n'était: le problème, de fond, était toujours là. Les plus téméraires parlaient de mise en échec de la Bête Immonde, ou au contraire de retour du totalitarisme, mais la grande majorité de la classe politique et des médias observaient une réserve gênée.

Au milieu des bafouillis, a commencé à émerger l'idée qu'il était temps de changer de constitution, radicalement. On s'est mis à parler de VIe République, d'un air peu convaincu. Mais ce furent Attali, Cohn-Bendit et Giscard qui, en direct, à Ce soir (ou jamais), émirent la proposition qui s'avéra remporter le plus grand succès: il fallait profiter de ce trou politique français pour commencer à construire un véritable état européen. L'accueil en Europe fut mitigé, notamment car l'urgence de la situation française impliquait des changements radicaux et très rapides, trop aux goûts de nombreux dirigeants. Mais suffisamment de personnes prirent part au congrès ad hoc, même de Grande Bretagne, pour qu'au bout de quelques mois, le plan d'action ait été décidé.

Mais la nation de Jeanne d'Arc avait encore sont mot à dire. Très vite après l'annonce de l'annulation des élections, et malgré sa langueur caractéristique, Renaud Camus quitta ses salons feutrés et la blancheur de ses livres. Les évènements historiques réveillaient un homme nouveau: il rasa sa barbe grisonnante, revendit tous ses biens, et s'acheta une Harley, ainsi que de nombreux cars et fourgonnettes. Son but était clair: il devait secouer la France. Il montait une croisade. Il s'était reconnu dans l'étrange et mystérieuse figure de Pierre l'Hermitte. Dans ses cars, il transportait ses Croisés, dont le nombre croissait à mesure qu'il avançait dans son tour de France. La police avait bien tenté de l'arrêter, mais ils étaient trop nombreux, et faisaient bloc. La crainte d'une émeute blanche, qui mettrait le feu à toute la poudrière française si toute mesure plus radicale était prise, avait convaincu les pouvoirs publics de faire ce qu'ils savent le mieux depuis 2005: l'autruche. En 40 jours, ils étaient déjà 150.000 à arpenter les routes comme une longue chenille, avec à leur tête Renaud Camus, qui se faisait appeler Renaud le Glaive, en référence à la célèbre phrase du Christ dans l'Évangile de Matthieu, sur son destrier de métal et de feu.

Ce retour du sacré, qui faisait de plus en plus d'adeptes parmi les descendants de chrétiens qui voyaient la crise démonter tout ce pour quoi leurs aïeux avaient abandonné la religion, ne pouvait laisser indifférent. Tariq Ramadan fut de plus en plus souvent invité des médias, qui voyaient d'un mauvais oeil la montée sur Paris de celui qu'on prenait jadis pour un insignifiant écrivain illuminé. La prose du maître de taqiya était limpide: cette crispation autour du christianisme historique et guerrier était la conséquence du discours sur le conflit de civilisation et l'identité nationale. Si l'on voulait mettre un terme à cette épopée d'un autre âge, il fallait faire une place plus grande aux musulmans, afin que leur présence partout dans la société dissolve ces restes archaïques. Il expliquait à mots à peine couverts les avantages qu'auraient pour les politiques une islamisation de la France organisée calmement par lui et ses élites musulmanes. Et il faisait planer la menace d'une même possibilité de repli religieux explosif des musulmans de France et d'Europe, et qui par contre pourrait conduire à l'ébranlement de tout le système en place. Ses arguments pertinents ne tombaient pas dans des oreilles sourdes. Sous-estimant ce qui a depuis été appelé la "résistance chrétienne", on donna carte blanche à Tariq Ramadan pour mettre de l'ordre parmi les musulmans, qui commençaient eux aussi à s'exciter, en leur promettant la France.

Du Vatican, Benoît XVI et ses conseillers ne savaient trop que penser. Ce retour au christianisme se faisant dans des formes qui leurs déplaisaient franchement, qui les ramenaient à l'époque d'une Église assez faible, sans unité. Mais d'un autre coté, ils ne pouvaient nier les progrès dangereux de l'Islam partout en Europe et en Afrique. Pourraient-ils récupérer et contrôler ce Renaud le Glaive? Quelle place leur laisserait un Islam conquérant? L'urgence de la situation exigeait une prise de position rapide. Après mures réflexions, mais surtout des heures et des heures de prière, le Pape, ayant tenu sa décision secrète, convoqua toute la presse d'Italie, et les agences internationales. C'est dans les applaudissement et les louanges immodérés des fidèles présents sur la place Saint-Pierre qu'il annonça, ex cathedra, sa bénédiction à Renaud le Glaive, et son soutien à la Reconquista. L'allocution, retransmise en direct tant les médias s'attendaient à la décision inverse, dans la plupart des pays de la chrétienté, souleva une vague de soulagement, de foi et d'espérance comme jamais dans l'histoire. C'était une liesse comparable à l'entrée de Jeanne d'Arc dans Orléans, mais à l'échelle européenne. Même les Protestants et une partie des Juifs hurlaient de joie. Ils survivront, nous survivrons: Déus lo veult! Cet appel résonnait à nouveau, inaugurant une nouvelle ère.

Alors que Renaud le Glaive et ses 750.000 Croisés inondaient les rues de la capitale, on eu droit à une scène étonnante: Thierry Ardisson, l'idiot cocaïnomane, courait torse nu devant la troupe métallique, criant, sans trop que l'on sache si c'était par conviction, overdose, ou pure sens du grand-guignol: "Vive le Roy, Vive la France!". La révolution chrétienne et patriotique s'étant en réalité répandue bien plus vite dans les coeurs que les Croisés sur les routes, toute la clique des Sarkozy, des Attali, des Bruni, des Cohn-Bendit, des Giscard, des Besancenot, des Fourest, des Ramadan, et autres nuisances, se sont heurtés à tous les obstacles, à tel point qu'ils n'ont pu fuir Paris. Au moment de l'entrée de Renaud, ils s'étaient tous terrés au Louvres, mais n'avaient pas la chance d'avoir la vénérable Garde Suisse pour les protéger comme Louis XVI l'avait eu au même endroit (ou presque) quelques 223 années plus tôt. Ils furent malmenés, bien tabassés, mais laissés vivants, en attente d'en faire quelque chose. Par un incroyable concours de circonstance, Renaud le Glaive, dont la mission était maintenant terminée, sacra Ardisson Roi des Français en la cathédrale Notre-Dame de Paris, puis s'évanouit dans la nature. Le nouveau roi fut applaudit, malgré de nombreuses réticences. Il ne fut pas le meilleur des rois, mais l'onction sacrée transforma le pêcheur Ardisson en Thierry IV, et depuis ce jour, il a fait oublier l'homme qu'il fut jadis. Il gracia les traîtres épargnés, et interdit formellement qu'on leur fit du mal. Leur malheur serait de porter leur passé et leur honte, et de vivre des aumônes et de la générosité de ceux qu'ils méprisèrent.

J'avoue que c'est plus de la science-fiction que de l'anticipation, hélas...