samedi 20 mars 2010

Freddy, ou la maîtrise de l'esprit.

Je n'ai pas la télé. Je ne m'en porte pas beaucoup plus mal, mais je m'évite ainsi beaucoup de mauvais sang et de colères inutiles. Déjà le peu qui retombe à moi au travers de la réacosphère me débecte et me rend fou. Je me demande comment il est possible de tolérer, le plus souvent dans des pièces où l'on vit, cette boîte dont on sait qu'elle est vecteur des pires obscénités, même éteinte et débranchée. Pour la personne saine d'esprit, ayant le sens des réalités, attachée à ce qui est vrai et durable dans ce monde, et non à ce qui est mensonger et passager, cette propagande incessante et multiforme doit être comme une camisole de barbelés -camisole posée par les fous qui ont réussi à enfermer leurs gardiens- dans laquelle le plus de résistance nous vaut le plus de souffrance. Voilà pourquoi tant de personnes -le français moyen, comme on dit, qui n'est pas un mauvais bougre- préfèrent encore laisser les pointes s'installer dans leurs chairs, plutôt que de se les déchirer en cherchant à se libérer. Ils ne régissent plus, car la moindre agitation leur rappellerai que leur situation est absolument intolérable.

Mais contrairement à une véritable camisole, celle-ci n'est qu'en esprit. Pourquoi se déchire-t-on dans leur camisole? Car implicitement on l'a reconnu! J'en viens à un point important: bien trop de gens, de l'ordre matériel du monde, ont fabriqué un ordre moral ou mental en étant la parfaite transposition. Ce n'est certainement pas conscient, mais les répercussions en sont évidentes et directes, car d'une soumission forcée liée à des rapports de force économiques, politiques, sociaux, ou que sais-je, a découlé insidieusement une sorte d'esclavage mental, sous la forme de la reconnaissance et de l'intériorisation de cette situation. C'est peut-être malvenu comme comparaison, mais comme Freddy Krueger (Nightmare on Elm Street ou Les Griffes de la Nuit, pour ceux attachés aux titres français de films qui ne le sont pas), son emprise sur nous, c'est notre faiblesse à lui en laisser, ou à lui en conférer. Les blessures de ses griffes sont notre terreur bien réelle de la blessure.

Bien sûr, le fait de s'exposer quotidiennement, par habitude, à ces nocivités télévisuelles, par un effet de suggestion finit par abrutir et diminuer les capacités de résistance de l'esprit, mais cela n'implique pas en soi le processus de reconnaissance. Celui qui n'a pas peur de Freddy prévient ses attaques. Celui qui refuse la camisole mentale la fait voler en éclat: si on est maître quelque part, c'est bien dans notre tête, mais encore faut-il le réaliser et l'expérimenter. C'est par notre esprit que commence la reconquête, quelle qu'elle soit: chassez-en tout ce que vous y voyez avoir une emprise illégitime.

2 commentaires:

  1. Salut Gotfried, je viens de découvrir ton blog dans les commentaires de French Carcan.
    J'ai posté, il y a au moins un an, un documentaire sur le CGB, qui prouve scientifiquement que la télé, même sans programme diffusé (en mode neige), a un effet hypnotique bien plus puissant que le cinéma, du seul fait que la lumière est projetée par l'objet, alors qu'au cinéma, la lumière est projetée sur l'objet. D'après des chercheurs, qui ont tous travaillé pour des constructeurs de télévision, la télévision est capable de créer une légère transe hypnotique, comparable à un rêve « léger ». Ce qui signifie qu'elle a le pouvoir d'amoindrir la vigilance de la conscience et d'avoir un impact sur l'inconscient. S'ensuit une forme de délassement qui laisse ensuite une sensation de vide après extinction de l’objet. Seuls des esprits critiques forts peuvent réellement regarder la télévision sans en être influencé, ou alors très très peu. Philippe Muray, qui détestait la télévision, la regardait quand même beaucoup, si on en croit son épouse, juste pour prendre la température. Idem avec JC Michéa, qui le fait avec les séries américaines, pour prendre la température des « propagandes », mais aussi dans le cadre des « créations comportementales » destiné au public (cool à la James Dean, positivité infantile, infantilisation, narcissisme, etc.).

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  2. Désolé pour cette réponse en retard, mais il m'arrive parfois de ne pas avoir suffisamment accès à un PC pour répondre sereinement.

    Je crois me souvenir de cet article que vous aviez posté, et si ma mémoire est bonne, plusieurs fois repassait cette séquence où l'on voyait un groupe d'enfants proprement hypnotisés par la télé. On peut certainement rapprocher cette étrange attraction de celle qu'exerce le feu. Quel symbole que le feu de l'âtre, la matérialisation même du foyer (home), lieu de vie qu'on mettait sous l'égide des dieux (Hestia/Vesta), ait été remplacé par la télé, organe de destruction de la vie du foyer, et de la société en générale.

    On aime pas regarder des films en ma compagnie, car je ne prend jamais l'histoire comme elle est -ou comme on veut la faire paraître-, mais analyse toujours et immédiatement les sous-entendus, les mécanismes de communication, la "propagande", parfois légère cependant, qu'il y a derrière, et ne cesse de "commenter" à haute voix, ce qui ne manque pas d'agacer un "cinéphile" de ma connaissance. Les seules choses pour lesquelles je baisse ma garde, ce sont les "films à papa" des années 60, 70, 80, en gros l'époque et le genre Audiard, avec sa tripotée d'acteurs français bien connus, la première série Star Trek, et les films de zombie ancienne école. Mais je n'ai pas de télé chez moi, ce qui me prémunie de fait du gros des dommages que peut occasionner cette méthode de suggestion maintenant bien rodée.

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