lundi 30 août 2010

Eloge de la campagne.

Samedi soir, il y avait un petit festival local de musique traditionnelle (bretonne et auvergnate) dans mon coin du Puy-de-Dôme. C'était en plein air, avec une buvette, tout était géré par des bénévoles, le genre de petit évènement bien sympathique. Il y a eu au maximum 300 personnes qui sont venues, la plupart du coin. Des gens normaux. Des gens de la campagne. Sur la petite scène mobile, les groupes traditionnels qui se sont succédés, avec des prestations tout à fait acceptables pour la circonstance, jouaient de la musique à danser. Et, miracle: les gens dansaient! Quelque uns savaient ce qu'ils faisaient, mais la majorité se laissait entraîner, suivant leurs voisins et leur compagnons de danse, ou peut-être de vagues souvenirs. Les cercles circassiens étaient un peu chaotiques, les bourrées approximatives, les cadences anarchiques, mais on dansait. Si, si: des français dansaient! Il y avait des jeunes, il y avait des vieux. Il y avait des grands, il y avait des petits. Il y avait des masses, il y avait des brindilles. Il y avait des couples, il y avait des célibataires. Il y avait des amis, il y avait des inconnus. Il y avait même deux lesbiennes en saroual et une asiatique! Mais tous, ils dansaient au son de cette musique.

J''étais intérieurement ému à cette vision. Non pas car c'était une manifestation de "solidarité" ou de "tolérance", encore moins parce que c'était festif et citoyen, mais parce que c'était humain. Quand on a grandi en région parisienne, on est pas tellement habitué à voir cela. Il est vrai que je n'ai jamais vécu dans d'autres grandes villes, mais je crois voir apparaître un importante dichotomie: entre la ville et la campagne, ou du moins la province. Bien sûr, c'est un simplification outrancière -j'habite d'ailleurs dans une ville de province- mais pour penser, il faut bien commencer par modéliser. La campagne est globalement homogène, lente au changement, concrète et pragmatique. La ville est cosmopolite, s'enorgueillit de suivre toutes les modes et tendances, s'attache aux idées, aux concepts, aux doctrines. La ville produit des manifestants, la campagne des résistants. La ville est "tolérante" par nature, puisqu'elle est multiculturelle, de fait elle désintègre. La campagne est "raciste" et "xénophobe" par tradition, donc elle assimile. En réalité, la ville est tolérante à l'étrangeté, pas à l'étranger; la ville se partage en communautés: de classe sociale, d'origine, d'activité, de moeurs et de culture. La campagne rejette l'Islam et l'homosexualité, mais elle accepte les musulmans et les homosexuels, elle les admet en son sein s'ils veulent en faire partie. A la ville, on prêche la laïcité et l'égalité de traitement de toutes les opinions, mais on subventionne la gay-pride et l'on organise de grandes fêtes pour l'Aïd. A la campagne, on aime pas bien les pédés et les Ben Laden, mais les premiers sont libres de leurs ébats et les seconds de faire le ramadan, seulement on ne leur concède pas le droit à l'existence communautaire publique.

La campagne n'est pas un refuge identitaire -on y trouvera peu de gens bien informés et radicaux dans leurs opinions-, mais elle est un foyer d'humanité réelle dans une civilisation urbaine décadente et suicidaire. Il n'y a qu'à la campagne qu'on fait encore danser ensemble jeunes et vieux, grands et petits, masses et brindilles, couples et célibataires, amis et inconnus, et même des lesbiennes et une asiatique, au son du biniou ou sur une bourrée à la cabrette et à l'accordéon. C'est à la campagne que se manifestent les hautes vertus civilisatrices de la tradition.

2 commentaires:

  1. Je ressens exactement la même chose que toi. En faite, la question que je me pose c'est: Sommes-nous réellement capable de supporter ce mode de vie traditionaliste à la campagne qui est censé nous ramener aux sources fondamentales de notre civilisation? Parce que je trouve assez ironique d'en faire les louanges alors qu'en même temps, on est souvent assis devant notre pc à surfer sur internet. C'est un peu comme les bobos qui prônent le métissage mais qui se garde bien de l'appliquer en personne.

    J'ai, comme tous les citadins, grandis dans un monde ultra matérialiste qu'il m'est désormais presque impossible de m'en détacher (je dis bien "presque", histoire de ne pas me faire passer un drogué). Et comme c'est un mal qui touche l'ensemble (ou presque) de notre civilisation, je crains qu'il serait difficile d'espérer quoi que ce soit de la part d'un peuple devenu plus en plus paresseux, égoïste et nihiliste (et suicidaire?).

    Car qu'en si méprend pas : les opposants du FN ont au moins raisons sur une chose: beaucoup de gens qui voteront pour ce parti en 2012 ne le ferons par conviction mais uniquement parce que leur mode vie confortable est menacée par les ravages de la mondialisation (ce qui n'est pas condamnable en soi).

    Mais le simple fait d'imaginer de voire une France ambitieuse et désireuse de retrouver sa place dans l'histoire afin d'y rétablir la gloire perdue d'antan est, à mon sens, veine (sans vouloir me montrer trop passéiste). Bref, on ne risque pas de revoir le retour du Sacré dans le cœur des européens.

    L'individualisme européen est en train de nous déglinguer...

    Windir

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  2. La campagne, à mon sens, n'est pas traditionnaliste, elle est traditionnelle. C'est ce que je veux dire en affirmant que ce n'est pas un refuge identitaire. La campagne n'est pas un foyer de résistance contre l'islamisation, le grand remplacement de population, la spoliation de souveraineté, ou quelque combat politique de ce genre. Mais elle est un foyer de résistance contre la déshumanisation qu'apporte la modernité, et c'est plus fondamental encore. Enfin, la campagne ou la province, en tant qu'opposé de la grande ville cosmopolite et atomisante

    Ainsi, je n'envisage pas dans ce billet la campagne en tant que zone de recul technologique, même si ça peut aller avec. Je ne parle pas tant de mode de vie que de mentalité, que d'humanité. A cette humanité, on s'adapte assez vite, on se fait. Particulièrement, justement, quand on est assis devant un PC toute la journée. Le métro n'est jamais bondé que de robots; à la campagne, en province, on découvre des humains.

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